jeudi 1 février 2007

La Diane française

Aujourd’hui , c’est l’anniversaire d’Yvonne, l’une de mes huit petites filles : elle a 16 ans, elle est belle et un peu mystérieuse, comme un « pré-raphaélite »…

La semaine dernière, je n’ai pas eu le courage de regarder l’émission de télévision de Serge Klarsfeld et sa femme sur la traque des nazis. Pourtant, j’ai bien connu Serge alors que nous faisions ensemble une licence d’histoire à la Sorbonne et j’ai une immense estime pour lui, sa
grande honnêteté, son courage indéfectible.
En revanche, quelques jours plus tard je me suis arrêtée sur un programme intitulé « Le courage du désespoir », diffusé par Arte et qui rendait hommage à ces Juifs qui, du ghetto de Varsovie à l’enfer des camps prirent les armes pour s’opposer à la machine de mort nazie. Et j’ai vu témoigner de belles vieilles dames dignes et souriant parfois à travers leurs larmes, des messieurs à l’allure énergique… et tout à coup m’est revenu à la mémoire le grand poème d’Aragon , intitulé « Marche Française »…extrait du Recueil « La Diane Française »

Quand il arriva la saison
Des trahisons et des prisons

Quand les fontaines se troublèrent
Les larmes seules furent claires

On entendait des cris déments
Des boniments des reniements

Des hommes verts et des vautours
Vinrent obscurcir notre jour

Il nous dirent Vous aurez faim
Dans la main nous prirent le pain

Ils nous dirent Jetez vos livres
Un chien n’a que son maître à suivre

Ils nous dirent Vous aurez froid
Et mirent le pays en croix

Ils nous dirent Les yeux à terre
Il fait obéir et se taire

Ils nous dirent Tous à genoux
Les plus forts s’en iront chez nous

Ils ont jeté les uns aux bagnes
Pris les autres en Allemagne

Mais ils comptaient sans Pierre et Jean
La colère et les jeunes gens

Mais ils, comptaient sans ceux qui prirent
Le parti de vivre ou mourir

Comme le vent dans les cheveux
Comme la flamme sans le feu

Croisés non pour une aventure
Une lointaine sépulture

Mais pour le pays envahi
Contre l’envahisseur haï

Chassons chassons nos nouveaux maîtres
Les pillards les tueurs les traîtres

Le bon grain du mauvais se trie
Il faut mériter sa patrie

Chaque jardin chaque ruelle
Arrachés à des mains cruelles

Chaque silo chaque verger
Repris aux mains des étrangers

Chaque colline et chaque combe
Chaque demeure et chaque tombe

Chaque mare et ses alevins
Chaque noisette d’un ravin

Chaque mont chaque promontoire
Les prés sanglants de notre histoire

Et le ciel immense et clément
Sans nuage et sans Allemand

Il faut libérer ce qu’on aime
Soi-même soi-même soi-même

J’ai appris ce poème à l’âge de dix ans, en novembre 1945 : notre professeur, Madame Henne
était une femme remarquable et le choix de poésie qu ‘elle nous fit découvrir et apprendre pendant cette année de sixième, allait de Aragon à Péguy en passant par Colette, Baudelaire ou la Comtesse de Noailles

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